Le billet de Serge Mora

Le billet de Serge Mora

Le billet de Serge Mora

Si les questions agricoles occupent le devant de la scène, les sujets du revenu et du prix de vente sont soigneusement occultés.

Les élections professionnelles sont passées, le Salon de l’Agriculture a fermé ses portes il y a bientôt un mois et les sujets agricoles ne font plus la une de l’actualité.

La Loi d’orientation agricole vient alimenter le sujet mais le problème principal, à savoir le revenu agricole, a été largement escamoté.

Pourtant tout le monde proclame haut et fort vouloir « apporter de la valeur ajoutée sur les fermes ».

Comme vous le savez, le revenu agricole provient de la différence entre chiffre d’affaires et charges.

Or, il faut bien le constater, les charges grimpent bien plus vite que nos prix de vente.

Par exemple dans la filière foie gras, après plusieurs années compliquées, une certaine sérénité est revenue (grâce à la vaccination réclamée d’ailleurs depuis 2017 par le Modef mais aussi par la baisse de production passant de 40 millions de canards en 2015 à 28-30 millions). Mais c’est sans compter sur « l’ingéniosité » des abattoirs de canards landais qui, soit en créant des charges de transport et en excluant les petits lots, soit en imposant des forfaits prohibitifs sur les petits lots, augmentent les charges déjà impactées par l’ovosexage, le prix du caneton…

Autre exemple, l’augmentation des charges de mécanisation est devenue prohibitive. Ainsi, un constructeur nord-américain, première marque vendue en France, a réalisé en 2023 un bénéfice équivalent à Total (environ 20 milliards de dollars) soit plus de trois fois le bénéfice d’Airbus à chiffre d’affaires égal. On voit bien que l’on prend le paysan pour une vache à lait.

Enfin, je ne peux passer sous silence le dernier coup de poignard dans le dos porté par l’Etat à la filière photovoltaïque.

En effet,le gouvernement veut baisser les prix de reprise du Kwh, rendant ainsi tous les projets de moins de 500 Kwc  (contrats S21 et toutes les installations inférieures à 100 kwc, particuliers inclus) non rentables, contre l’avis d’EDF lui-même. Ils souhaitent privilégier les gros projets par appel d’offres qui ne peuvent être portés que par des centrales au sol ou les gros projets agrivoltaïques. De fait, la couverture des bâtiments  agricoles par des panneaux perd toute rentabilité et ne couvre plus la construction d’un bâtiment, compliquant un peu plus la tâche des éleveurs dont le revenu tiré de la production animale peine souvent à rembourser les annuités.

On voit bien que si les charges augmentent, pour nos prix de vente, rien de prévu dans la LOA. Même si une lueur d’espoir, avec le vote favorable au dispositif du coefficient multiplicateur, peut être entrevue, on est encore loin du prix garanti demandé par le Modef. Cela fait des décennies que notre syndicat demande des prix garantis. Car on le voit bien, seul un prix garanti peut assurer un revenu aux producteurs. Et la course à la taille critique censée permettre, par un volume suffisant de production et des économies d’échelle, d’atteindre un revenu correct est un leurre.

La FNSEA porte ce discours depuis 60 ans et le résultat indéniable de cette politique est la disparition ininterrompue des exploitations. Au point que notre souveraineté alimentaire, pourtant érigée en étendard, est de plus en plus menacée.

Et ce n’est pas avec des contre-feux illusoires comme l’excès de normes ou l’autorisation de molécules plus efficaces que l’on résoudra ce problème de revenu.

C’est pourquoi le Modef, avec ses moyens basés sur la motivation de ses adhérents, continuera à lutter pour qu’on puisse enfin vivre dignement de notre métier.