Une production passée de 22 000 à 6 000 tonnes en quelques années, des vergers arrachés, d’autres condamnés à l’être, des producteurs sans production et de nombreuses questions en suspens… La filière kiwi du bassin de l’Adour traverse une zone de turbulences sans précédent.
Une réunion était donc organisée le 3 septembre à Peyrehorade pour mettre tous les sujets sur la table. « Elle aurait pu être faite avant… », déplore Sébastien Bayle. « Cela fait un moment que les coopératives perdent de l’argent et que les vergers disparaissent à tour de bras. » Même constat pour Eric Labaste : « La filière a reconnu qu’il y avait un problème, ce qui aurait dû être fait a minima il y a quatre ans. Je ne comprends pas qu’on ait attendu si longtemps pour faire ce constat, notamment de la part de nos deux plus grosses structures coopératives. »
Car le problème du dépérissement des vergers n’est pas nouveau. Pourtant, une riposte coordonnée tarde à se mettre en place et les producteurs se retrouvent livrés à eux-mêmes. La faute à un manque de recherche, pour Sébastien Bayle : « Nous sommes une petite filière qui n’est pas structurée, avance-t-il. Chacun fait ses recherches de son côté et personne ne coordonne. On profite de l’expérience des Italiens mais est-ce que leurs solutions s’adaptent chez nous ? Personne ne le sait pour l’instant. »
Petites recettes
Les solutions italiennes, ce sont les expérimentations menées depuis plusieurs années sur différents porte-greffe, censés éviter le dépérissement racinaire qui ravage les vergers du bassin de l’Adour. « Tu peux ramasser 30 tonnes à l’hectare une année, 15 la suivante, et zéro celle d’après, poursuit le gérant de l’EARL Cap Kiwi Blanc à Souprosse. Lui-même est passé d’une production de 240 tonnes en 2023 à 100 tonnes cette année, soit une perte de 60 tonnes par an. « Cela va très vite. Tous les kiwis verts que l’on connaissait, en pied franc, sont voués à disparaître. »
Eric Labaste a déjà replanté deux hectares sur les trois qu’il possède, avec des porte-greffe identifiés grâce à des essais menés depuis quatre ans avec une poignée de collègues. « On espère que c’est le bon choix mais personne ne le sait vraiment », déplore-t-il. « C’est très empirique, chacun a sa petite recette. Il n’y a jamais eu de recherche coordonnée et massive pour essayer d’enrayer ça. Même le Bik (Bureau interprofessionnel du kiwi, NDLR) admet qu’il n’a pas le matériel génétique pour travailler correctement. »
Pourtant les enjeux sont énormes : Sébastien Bayle va devoir replanter 16 hectares du côté de Souprosse, soit 80 à 100 000 euros de plants à investir dans les cinq ans. Sans compter le travail de gestion des pieds, de l’herbe, d’évacuation du bois mort, le tout sans rentrée d’argent. « J’ai deux salariés et je ne sais pas si je vais pouvoir les garder, alors que c’est maintenant que j’aurais le plus besoin d’eux », souffle-t-il.
Prix stable et attractif
Dans ce contexte, les producteurs réclament un véritable plan de relance pour la filière qui apparaît très divisée sur les causes de la crise comme sur les remèdes. Sur les causes, deux théories s’affrontent : celle d’un dépérissement lié au changement climatique ou d’un pathogène importé d’Italie. « La seule certitude, c’est que personne n’en a », commente Eric Labaste. Sur les remèdes, certains acteurs locaux n’ont pas caché leur volonté de déplacer le bassin de production vers le Lot-et-Garonne, moins touché par les problèmes de dépérissement, pour maintenir les volumes. « Avant de dire ça, on pourrait essayer de faire des choses ici, pour l’instant, on ne s’en est pas donné les moyens », poursuit le producteur de Saint-Lon-les-Mines.
Néanmoins, tout le monde s’accorde à réclamer des aides de l’Etat, à la fois pour compenser les pertes, financer le renouvellement des vergers et surtout, attirer de jeunes producteurs. Eric Labaste a pris la parole en ce sens : « Si on arrive à redresser la situation, ce que je crois possible, on va avoir des soucis de production très rapidement compte tenu de la courbe des âges. Tout le monde était d’accord là-dessus, donc j’imagine qu’il va se passer des choses maintenant ! On avait une filière dynamique et plutôt rentable et là, on se retrouve avec des solutions plus ou moins empiriques, au coup par coup, une production vieillissante et l’avenir n’est plus aussi clair... Il y a trente ans on était dans la même salle à pleurer parce qu’on avait des kiwis qui ne valaient rien, aujourd’hui on pleure parce que nos kiwis ont de la valeur mais qu’on n’arrive plus à les produire. »
Car dans ce marasme, le prix reste stable et attractif, au-delà de 2 euros le kilo, et le kiwi de l’Adour demeure bien perçu et bien payé par les consommateurs, largement au-dessus de la concurrence. C’est déjà ça…
Pour aller plus loin : https://www.modef40.fr/notre-actu/le-fil-infos/deperissement-du-kiwi-un-melange-de-causes-entre-le-climat-et-la-structure-physique-et-biologique-des-sols