L’encadrement du seuil de revente à perte et le coefficient multiplicateur adoptés à l’Assemblée

La guerre des prix entre distributeurs n'aura peut-être pas lieu.

L’encadrement du seuil de revente à perte et le coefficient multiplicateur adoptés à l’Assemblée

L’encadrement du seuil de revente à perte et le coefficient multiplicateur adoptés à l’Assemblée

L’Assemblée a prolongé jusqu’au 15 avril 2026 la marge minimale de 10 % imposée aux distributeurs pour soutenir les revenus agricoles. Un peu plus tôt, l’amendement Chassaigne sur l’instauration d’un coefficient multiplicateur a également été adopté.

Le 9 avril, le Parlement a définitivement adopté la prolongation jusqu’en 2026 du seuil de revente à perte à 10 % des marges de la grande distribution, après un accord d’une commission mixte paritaire, réunissant députés et sénateurs.

Ce dispositif impose aux supermarchés un encadrement du seuil de revente à perte (dit SRP+10) sur les denrées alimentaires, soit une marge minimale de 10 % imposée aux distributeurs. L’objectif affiché étant que ces prix relevés puissent « ruisseler » vers les agriculteurs par la suite. Le non-renouvellement de cette mesure aurait entraîné « une guerre des prix immédiate, au préjudice de toute la chaîne agroalimentaire », a d’ailleurs défendu la ministre déléguée en charge du Commerce, Véronique Louwagie. L’Ania (Association nationale des industries agroalimentaires) a également salué « la sagesse des parlementaires » qui prolongent des mesures « indispensables au déroulement des futures négociations commerciales ». « Pour les professionnels qui veulent le comprendre et le faire fonctionner, ce mécanisme est évident et salutaire, il permet de rééquilibrer le système absurde qui perdurait jusque-là, poursuit l’Ania dans un communiqué. Pour attirer les consommateurs, les enseignes de la grande distribution se livraient une course au prix bas infernale sur certains produits très populaires de grandes marques qu’ils vendaient à perte. Pour compenser cette perte, les distributeurs appliquaient de très fortes marges sur d’autres, par exemple les produits agricoles (fruits, légumes, etc.) ou issus de PME locales. Cette stratégie détruit  les capacités de production, d’innovation et d’investissement et fait  peser une menace directe sur l’emploi. »

Contrôle renforcé

L’expérimentation d’un seuil de revente à perte à un taux minimal de 10 % était en cours depuis fin 2018 et le vote des premières Lois Egalim. Il s’agissait, en relevant le seuil de revente à perte et en encadrant les promotions en valeur et en volume, d’assurer des conditions de négociation plus favorables aux fournisseurs et d’améliorer le fonctionnement du marché en limitant la guerre des prix entre les enseignes de distribution, dont les effets ont des conséquences sur l’ensemble de la chaîne de valeur et en premier lieu sur les agriculteurs. Ce dispositif devait s’achever le 15 avril mais sera prolongé jusqu’en 2026 grâce à ce nouveau vote.

Si la mesure faisait l’objet d’un certain consensus entre les représentants du monde agricole, de l’agroalimentaire et de la distribution, les établissements Leclerc par exemple, s’y sont toujours opposés. UFC-Que choisir, l’association qui défend les consommateurs, a fustigé de son côté un dispositif coûtant « plusieurs milliards » aux consommateurs, « sans impact sur le revenu agricole ».

Un doute demeure en effet sur la portée de cette mesure et les élus ont appelé à mieux évaluer son efficacité, ce à quoi la ministre déléguée au Commerce s’est engagée, tout en reconnaissant que le dispositif n’était « pas parfait ».

En ce sens, le Parlement a également voté un amendement LFI pour une hausse des sanctions en cas d’absence de transmission par les distributeurs des documents permettant de mesurer les effets de ces mesures, avec des amendes portées à 1 % du chiffre d’affaires annuel lorsque celui-ci est inférieur à 350 millions d’euros, et 4 % au-dessus.

Reste à voir si le ruissellement atteindra bien les producteurs. Pour cela, tous les acteurs de la chaîne devront jouer le jeu...

Coefficient multiplicateur

Quelques semaines plus tôt, le 17 mars, l’amendement porté par le député communiste André Chassaigne, visant à instituer un coefficient multiplicateur, a été adopté lors de l’examen de la proposition de loi visant « à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire ». Une revendication de longue date du Modef !

Ce « coefficient multiplicateur maximum » entre les prix d’achat et de revente des produits agricoles ou alimentaires, supprimé en 1986 à la demande de la grande distribution, a pour but de limiter les marges. Concrètement, l’État fixe un coefficient, sous la forme d’un taux légal à ne pas dépasser, entre le prix d’achat au fournisseur et le prix de vente au consommateur. Ce taux s’applique à la chaîne des différents intermédiaires, prise dans son ensemble, et non pas individuellement à chacun d’entre eux. Avec ce mécanisme, une augmentation des marges intermédiaires passe obligatoirement par une augmentation du prix d’achat au fournisseur. Les prix à la consommation sont eux aussi protégés dans la mesure où le mécanisme interdit aux intermédiaires de dépasser un certain niveau de prix à la revente finale.

« Je n’aurais pas imaginé qu’après vingt ans de combat sur les coefficients multiplicateurs, je puisse remporter une telle victoire ! », s’est réjoui André Chassaigne qui a ainsi raconté cette adoption au micro de France 3. « Je propose un amendement que je dépose depuis pratiquement que je suis député. Il prévoit d’installer le coefficient multiplicateur : quand on paie un prix à l’achat pour un produit agricole, un coefficient est appliqué pour que le prix à la vente ne dépasse pas un certain quotient. Je me battais pour cela depuis 22 ans, pour toutes les lois agricoles. Lundi dernier, je présente mon amendement. Je ne l’ai pas défendu. Le rapporteur, la ministre de l’Agriculture, émettent un avis défavorable. On passe au vote et là, mon amendement est voté à la surprise générale ! Je me bagarrais pour cela depuis 22 ans ! » Un beau cadeau de départ à la retraite pour cet infatigable défenseur du monde paysan.