Enseignement agricole : "Une pression budgétaire permanente"

La FSU lors de la manif du 1er mai à Dax.

Enseignement agricole : "Une pression budgétaire permanente"

Enseignement agricole : "Une pression budgétaire permanente"

Alors que l’heure de la rentrée des classes a sonné, Flavien Thomas, représentant des personnels de l’Agricampus des Landes (SNETAP-FSU) et secrétaire de la FSU des Landes, fait le point sur la situation de l’enseignement agricole public dans le département.

Comment l’enseignement agricole landais aborde-t-il cette rentrée ?

D’abord, il y a le cadre national avec ces 44 milliards d’économie annoncés par le premier ministre. On a déjà souffert l’an dernier d’une baisse importante des moyens avec, au niveau national, 2 5000 heures et 45 emplois supprimés dans l’enseignement agricole dont 25 dans l’enseignement agricole public. En Nouvelle-Aquitaine, cela s’est traduit dans plusieurs établissements par des suppressions de classes. Cela entraîne une pression budgétaire permanente et la crainte de voir des formations gelées à la rentrée, alors qu’il y a des inscrits et des besoins. La plupart des formations gelées ne rouvrent jamais. Quand la machine est arrêtée, c’est très difficile de la relancer. On sent bien que toutes les formations qui n’ont pas un recrutement suffisant sont en danger.
 

Quelle est la situation dans les Landes ?

Les Landes sont dans une situation plutôt favorable car on affiche de bons recrutements pour cette rentrée. A Mugron notamment, le BTS DATR (Développement et animation des territoires ruraux), est sauvé avec 12 jeunes cette année contre 5 l’an dernier. Les BTS Acse (Analyse, conduite et stratégie de l’entreprise agricole) et Gemeau (Gestion et maîtrise de l’eau) affichent eux aussi de bons recrutements, comme la production animale en apprentissage. En seconde générale, nous avons deux classes de 28 et 31 élèves à Dax-Oeyreluy. A Mugron, la dynamique est correcte, avec 18 élèves en seconde Agro et de bon recrutements en Sapat (Aide à la personne et animation du territoire). A Sabres, sur les formations nature et forêt, nous  remplissons les classes de seconde alors que nous avons eu des difficultés par le passé.
 

Comment explique-t-on ce regain d’intérêt pour les formations agricoles ?

On ne l’explique pas vraiment. De notre coté, nous nous obligeons à mener des actions de recrutement les plus larges possibles, à destination des jeunes du territoire. Rendre nos formations attractives est d’ailleurs un problème quand on ne dispose pas de moyens de communication suffisants. Mais oui, il y a un regain dans les Landes, ce qui laisse espérer que les lycées seront suffisamment dotés cette année.

 

Flavien Thomas Snetap-FSU
Flavien Thomas

 

Tout va bien, donc ?

Non ! Certes, les établissements des Landes s’en sortent bien mais il est sensible que les autorités régionales (DRAAF) sont toujours à l’affût de moyens à récupérer. Les jeunes et les familles sont aussi en attente des conditions de formation que l’on a de plus en plus de mal à offrir, avec des effectifs réduits et des temps de formations pratiques pour des métiers en milieu rural qui demandent de l’engagement. Nous avons par exemple deux très belles exploitations agricoles, en élevage à Dax-Oeyreluy et de volailles et de céréales à Sabres, entièrement en bio. Ce sont de super outils pédagogiques qu’il faut soutenir. Les pressions budgétaires nous font craindre de perdre les atouts qui nous permettent de valoriser et de former aux métiers agricoles alors que les enjeux sont immenses : à commencer par l’objectif de 30 % d’augmentation de la formation des agriculteurs pour assurer le renouvellement des générations. Aujourd’hui le défi devrait être non pas la survie des formations mais leur développement. A Mugron par exemple, qui est un site emblématique, les formations agro-équipement mériteraient plus d’heures de conduite et de pratique. C’est ce que réclament à la fois les élèves et la profession, mais cela demande du temps humain supplémentaire et plus de postes. On voudrait aussi réduire les effectifs dans certaines classes pour accueillir dans de meilleures conditions les élèves et ouvrir de nouvelles formations agricoles. En troisième agricole, on retrouve des jeunes qui ont connu des difficultés au collège et que nous amenons vers la réussite, pour certains jusqu’au Bac Pro où on a plus de 97 % d’admission, et cela en leur évitant de sortir du système scolaire. En tant qu’établissements ruraux, nous défendons aussi une pédagogie par le projet, qui forme à la citoyenneté, à l’esprit critique, à la culture, au rapport aux autres et à leur territoire. Les baisses de moyens touchent directement cette ambition-là, pourtant essentielle à nos yeux.

 

« Même avec peu d’élèves, certaines formations doivent continuer à exister car elles sont nécessaires sur le terrain. »
 

Qu’en est-il du contenu des enseignements ?

Nous sommes des agents de l’État et nous appliquons les programmes. Mais au niveau syndical, beaucoup de choses nous interrogent, c’est un euphémisme. La Loi Duplomb par exemple, est aux antipodes de la dynamique « enseigner à produire autrement », lancée il y a quelques années, pour préparer les jeunes à adapter leurs pratiques aux enjeux agro-écologiques. Nous enseignons toutes les pratiques mais nous estimons que les jeunes doivent acquérir les connaissances nécessaires sur leur mise en œuvre et leurs effets. Il n’est pas question de leur mentir sur les conséquences de l’usage des pesticides sur leur santé et sur la santé humaine par exemple. Ils auront les pratiques qu’ils voudront ou qu’ils pourront, mais au moins, ils auront les éléments pour être acteurs de leur métier et pour être autonomes aussi. Sur l’enseignement de l’agro-équipement par exemple, nous les amenons à être maîtres de leurs savoirs et de leurs pratiques professionnelles plutôt qu’à consommer de l’expertise. Nous portons cette exigence au niveau syndical et nous constatons que l’Etat vote des Lois qui vont dans le sens inverse. C’est inquiétant.
 

Comment sont élaborés les programmes ?

Les conseils qui élaborent les programmes sont constitués essentiellement de représentants de l’Etat, des chambres et des syndicats professionnels majoritaires. Les professionnels de la formation que nous sommes, qui se nourrissaient des retours du terrain et des besoins exprimés par la profession, ont été exclus de ces conseils en 2018 sous Blanquer et Pénicaud. Une distance s’est créée et nous la subissons aujourd’hui, quand nous voyons arriver certains programmes dont les objectifs nous interrogent beaucoup. Le Projet de Loi d’orientation agricole a fait disparaître le terme d’agro-écologie par exemple. On voit bien que certaines organisations essaient d’imposer leur manière de voir à l’enseignement agricole public alors que nous sommes là pour diffuser des savoirs et des savoir-faire basés sur les connaissances scientifiques.

 

Quelles sont vos autres revendications ?

Nous avons aujourd’hui de vraies difficultés de recrutement, aussi bien pour les enseignants que pour les personnels administratifs, à cause de la non-revalorisation des salaires. C’est une tendance lourde et très problématique car il s’agit de profils spécialisés qui sont rares et peuvent prétendre à de bien meilleurs salaires ailleurs que dans l’enseignement. Or, lorsqu’on les perd, on perd une capacité de formation et derrière, c’est tout le secteur qui perd en capacité de recrutement et de production. Il y a un vrai danger. On essaie d’expliquer que même avec peu d’élèves, certaines formations doivent continuer à exister car elles sont nécessaires sur le terrain.

 

 

L’enseignement agricole public dans les Landes

Les 8 établissements sont regroupés au sein de l’Eplefpa (Etablissement public local d’enseignement et de la formation professionnelle agricole), autrement appelé Agricampus 40. L’Agricampus s’articule autour des trois sites de Dax-Oeyreluy, de Mugron et de Sabres qui abritent trois lycées (avec deux 3e agricoles), deux professionnels à Mugron (agro-équipement et social) et Sabres (forêt, nature) et un général et technologique à Dax-Oeyreluy, ainsi que deux CFA (formation des apprentis), un CFPPA (formation pour adultes) et deux exploitations agricoles : le Domaine de Laluque à Oeyreluy (polyculture-élevage bovin) et la ferme des Bourdettes à Sabres (polyculture bio-élevage volailles).

www.agricampus40.fr