Alors que les résultats des élections sont sur le point d’être dévoilés, le scrutin organisé entre le 15 et le 31 janvier a soulevé de nombreuses questions partout en France.
A mi-parcours, après une semaine de vote, la Confédération paysanne a tiré la sonnette d’alarme, estimant que « le droit de vote des électeurs et des électrices n’était pas garanti par le ministère et les préfectures ».
La Confédération paysanne, tout comme le Modef national, ont ainsi constaté des retards d’envoi ainsi que des problèmes d’adressage du matériel de vote, des kits électoraux reçus incomplets, mais aussi des irrégularités sur la plateforme électronique de vote, toutes les professions de foi n’étant pas toujours affichées.
Taux d’abstention
Le ministère de l’agriculture a simplement réagi en affirmant être « bien informé » et « mobilisé sur le sujet ». Sollicité par le Modef des Landes, la Préfecture des Landes a elle aussi reconnu des dysfonctionnements à quelques jours de la clôture du scrutin : selon les informations recueillies le 29 janvier, plus de 500 plis non remis contenant le matériel de vote sont retournés en préfecture.
La Préfecture, qui dans un premier temps avait indiqué pouvoir fournir par courriel des codes aux électeurs qui n’auraient pas reçu leur matériel, a modifié sur ordre du ministère la marche à suivre le mardi 28 janvier, à trois jours de la clôture du scrutin : consigne fut donnée aux électeurs de se présenter en personne en préfecture ou sous-préfecture avec leur papier d’identité pour obtenir un code leur permettant de voter sur Internet ! Cela sans communication personnalisée (un simple article sur le site de la préfecture) ni aménagement des horaires d’accueil, comme l’urgence de la situation l’aurait exigé et comme cela s’est fait dans d’autres départements, le Gers notamment. La Chambre, de son côté, n’a fourni aucune explication ni consigne.
Juge et partie
Ces dysfonctionnements sont d’autant plus inacceptables que depuis des mois, Modef et Confédération paysanne alertent les pouvoirs publics sur des anomalies susceptibles d’affecter la régularité de ce scrutin. D’une part, les arrêtés sur l’organisation de la Commission d’élaboration des listes électorales (CELE) ont été publiés avec plusieurs mois de retard sur le calendrier habituel, ne laissant guère l’opportunité de réviser sereinement les listes. D’autre part, d’importants pans de l’organisation du scrutin ont été délégués aux Chambres d’Agriculture, alors qu’elles sont juge et partie, puisque dirigées quasi-exclusivement par des membres de la liste syndicale FDSEA-JA, le plus souvent candidats à ces mêmes élections, comme c’est le cas dans notre département et dans 97 chambres sur 101 au total.
Le Modef national, de son côté, a envoyé un courrier à la ministre Annie Genevard le 24 janvier : « Cette élection est anti-démocratique et va favoriser une nouvelle fois le syndicat majoritaire. La FNSEA et les JA ont le monopole de la représentation dans toutes les organisations professionnelles, Chambre d’Agriculture, MSA, tribunaux des baux ruraux, interprofessions. En cause, le mode de scrutin mixte qui attribue la majorité des élus à la liste qui arrive en tête, le reste est attribué à la proportionnelle. Ce monopole de représentation vaut également pour les élections MSA avec un système d’élection au scrutin majoritaire à étage qui élimine de fait toutes les minorités aux Conseils d’Administration.
Le Modef dénonce également le retour des courriers de vote NPAI (n’habite plus à l’adresse indiquée) aux Chambres d’Agriculture au lieu des préfectures. Nous craignions des votes frauduleux !
Madame la Ministre, nous vous demandons le prolongement d’une semaine le mode de scrutin jusqu’au 7 février 2025 pour régulariser les dysfonctionnements et aussi la mise en place de contrôle par les services de l’État pour les retours des courriers de vote NPAI. » Un courrier qui lui non plus, n’a sans doute pas trouvé la rue de Varenne puisqu’il est resté sans réponse !
5 points de participation en moins
Entre les plis non-adressés ou adressés incomplets, les modifications de procédure à quelques jours de la fin du scrutin et l’absence de communication de la part des organisateurs, de nombreux électeurs, dans notre département comme ailleurs, n’ont pu exercer sereinement leur droit de vote. Une situation inacceptable, alors que notre profession ne s’exprime que tous les 6 ans et que ses représentants ont un rôle essentiel à jouer dans l’orientation des politiques agricoles, l’animation et le développement de l’activité agricole sur le territoire. D’autant plus après une année de manifestations et de mobilisations qui ont révélé le décalage entre notre profession et ses représentants majoritaires.
Quels que soient les résultats de ces élections, ces dysfonctionnements entachent gravement la régularité du scrutin. L’absence de réaction de la part de l’Etat et de la majorité syndicale témoigne d’un certain mépris pour l’expression démocratique des agricultrices et agriculteurs. Plus inquiétant encore, ces dysfonctionnements sapent d’ores et déjà la légitimité de nos futurs représentants.
Car les conséquences de ces couacs se ressentent déjà, avec un taux de participation en baisse de 5 points par rapport à 2019 (29,23% contre 34,82%) et de 4 points pour le seul collège 1, celui des chefs d’exploitation et assimilés (50,1% contre 54%).