Dès le parking, ce sont les odeurs des différents stands de restauration qui accueillent le visiteur. Mais avant de se sustenter, un tour des deux halls s’impose pour découvrir tout d’abord la « Ferme basque » et les animaux qui la composent : Pottoks, porcs pie noir, brebis Manex tête rousse, Manex tête noire, etc. Puis le marché des producteurs avec en tête le stand de la Corse, invitée d’honneur cette année, entourée des producteurs basques illustrant la diversité des productions du territoire : miel, fromage, pâtés et produits du porc, tisanes, légumes, etc. De quoi mettre en appétit et donner des idées de cadeaux pour les amis landais.
Le public est déjà nombreux à déambuler lorsque les discours d’inauguration débutent. Et c’est le président de Lurrama, Iñaki Berhocoirigoin, qui ouvre le bal. Il explique pourquoi la thématique de cette 19e édition de Lurrama est « vivre et se nourrir d’agriculture paysanne » et revient sur la nécessité de se réapproprier, en tant que consommateurs et producteurs, notre alimentation. Nécessité accrue dans un contexte international défavorable entre le modèle agro-industriel, les guerres et les évolutions politiques. Le changement climatique incite aussi à repenser nos modèles. Dans ce cadre, l’agriculture paysanne « est une des réponses car elle propose un cadre de réflexion et une démarche, qui peuvent permettre de trouver des adaptations locales ». C’est en tout cas la voie que proposeront d’explorer les différentes tables rondes organisées tout au long du week-end.
À sa suite, Marie-Antoinette Maupertuis, présidente de la Collectivité de Corse, insiste sur les liens entre les deux cultures agropastorales corse et basque, sur l’intérêt de coopérer pour promouvoir une agriculture paysanne, durable, « vivante et de qualité, en harmonie avec son environnement et les hommes et femmes de la terre ». Elle conclut son discours en citant la chanson corse « Un Paisanu » qui dit entre autre que « un paysan est fait de lumière ».
C’est Karine Jacquemart, directrice générale de Foodwatch France, qui clôt les discours en rappelant qu’alimentation et agriculture sont au cœur des enjeux environnementaux et de société. Malgré un contexte assez sombre politiquement et un système agro-alimentaire verrouillé par une minorité d’acteurs, il y a des alternatives porteuses d’espoir telles que la démocratie alimentaire et le droit à l’alimentation.
Des conférences porteuses d’espoir
De droit à l’alimentation et de démocratie alimentaire, il en a été question tout le week-end avec notamment la conférence gesticulée de Mathieu Dalmais « De la fourche à la fourchette… non, l’inverse ! », que les Landes avaient pu accueillir en 2023 et accueilleront de nouveau les 12 et 13 décembre à Saint-Paul-lès-Dax, les table-rondes « La Sécurité sociale de l’alimentation », « Mes courses alimentaires locales », « L’alimentation, une histoire politique qui se répète tous les jours ».
Mais il a également été question d’agriculture paysanne et de sa définition avec Francis Poineau, coprésident de EHLG, qui a présenté les 6 principes portés par la Confédération paysanne :
- Répartir équitablement les volumes de production.
- Le paysan est un acteur local dynamique.
- Développer la qualité et le goût des productions agricoles.
- Respecter la nature : travailler avec elle et non contre elle.
- Développer l’autonomie des fermes.
- Permettre aux paysans de transmettre leurs fermes aux nouvelles générations.
Suivie de trois illustrations concrètes par deux paysans basques et un corse, chacun expliquant son modèle de production et pourquoi il l’a choisi : un viticulteur corse qui s’est installé sur la ferme familiale en vin, sur laquelle il a développé la vinification, le conditionnement et la vente sur place, pour tendre vers l’autonomie de la ferme et répondre aux attentes des clients qui veulent comprendre comment est produit le vin, ainsi que deux éleveurs basques de brebis. Tous s’accordent sur la nécessité de réguler les volumes de production pour que tous les paysans puissent être rémunérés dignement.
Alimentation agressive
La table-ronde « Bien manger pour être en bonne santé » a accueilli Philippe Pointereau, agronome et cofondateur de Solagro, qui a insisté sur la nécessité de ne plus déconnecter agriculture et alimentation comme cela a pu être fait avec la mondialisation et l’industrialisation. Aujourd’hui, 38 % environ de notre assiette sont importés, cela réduit notre connexion à la production locale. Le système actuel est à bout. « Il faut donc changer de paradigme : changer de mode de production agricole. » Les Projets d’alimentation des territoires sont des leviers intéressants pour favoriser la production locale avec un soutien à des pratiques vertueuses. Mais pour que les pratiques changent, il faut que l’alimentation change, parce que les producteurs doivent trouver des débouchés à leurs produits.
Sur cette même table-ronde, Philippe Berthelemy, gastro-entérologue à Pau, a expliqué que depuis 50 ans, notre alimentation agresse et appauvrit notre microbiote. Elle est responsable des maladies chroniques (diabètes, cancers, maladies cardio-vasculaires) qui augmentent de façon épidémique. Les aliments ultra-transformés sont majoritairement à l’origine de ces agressions. La solution : respecter les 3V et manger une alimentation « vraie », c’est-à-dire non transformée, « végétale » (à 85 %) et « variée ».
Mais pour pouvoir se réapproprier notre alimentation et consommer local, il est impératif de relocaliser la production. C’était l’objet d’une autre table-ronde qui faisait intervenir l’Office de développement agricole et rural de Corse (Odarc), la filière Herriko Ogia qui produit du blé basque, et Iparlab, une plateforme qui a pour but de créer du lien entre producteurs et consommateurs, notamment via la restauration collective. L’exemple de Herriko Ogia a démontré que rien n’est jamais acquis lorsque l’on crée une filière locale : la réappropriation de techniques culturales pour les paysans, la recherche de débouchés, les aléas climatiques, tout est un équilibre fragile qui repose sur la motivation des paysans et l’implication des conseillers agronomes qui les accompagnent. Les échanges ont révélé que des liens permanents entre consommateurs et producteurs doivent être entretenus et développés pour assurer la résilience de ces filières locales mais aussi, plus globalement, celle des territoires sur le plan alimentaire et économique.
Quelques lignes ne suffisent pas pour résumer les réflexions menées à Lurrama… Rendez-vous en novembre 2025 pour la 20e édition !