C'est en Chalosse, sur le flanc du coteau où se dresse, à quelques battements d'aile, l'église de Saint-Cricq-Chalosse, qu'Illia et Maximilien ont finalement trouvé leur bonheur : un petit hectare de terre argileuse orienté plein Sud, deux serres déjà installées, une arrivée d'eau et les Pyrénées en arrière-plan, quand le temps le veut bien. "On a cherché pendant plus d'un an, se souvient Illia. C'était long et fastidieux, d'autant que nous ne sommes pas issus du monde agricole." Ce projet, ils l'avaient en tête depuis quelques années déjà. Peut-être même dès leur rencontre à l'université de Corte, en master d'écologie. Après deux ans de maraîchage auprès d'une association de Bénesse-Maremne, histoire de se faire la main, "on a eu envie de créer notre propre espace", raconte Illia. "Le maraîchage a été très instructif mais il me manquait un peu de créativité, alors j'ai passé un CAP de fleuriste et je me suis installée comme floricultrice. Enfin, je préfère le terme de paysan fleuriste ! Il y a toujours le travail de la terre mais on touche à plein d'autres domaines comme la création florale, le contact avec les clients dans les mariages ou au marché…"
Le choix de l'artisanat
"Elle est beaucoup plus épanouie dans ce métier que dans le maraîchage, c'est l'activité idéale pour elle", ajoute Maximilien dans un sourire. "Et puis c'est quand même chouette de travailler au milieu des fleurs." Lui est professeur d'écologie et d'aménagement des espaces agricoles au lycée de Sabres. Mais dès que son emploi du temps le lui permet, il vient aider Illia au jardin de la Floreta (le "Petite Fleur", en gascon). Car les fleurs ont beau être colorées, parfumées, apaisantes, elles ne poussent pas toutes seules, loin de là. Surtout quand, comme Illia, on fait le choix exigeant de la culture naturelle : "On ne met aucun intrant chimique, souligne-t-elle. On amende beaucoup en début de culture, on fait des rotations, on traite avec des purins et des décoctions… Petit à petit, on apprend et on gagne en technicité. Pour l'instant je n'ai pas eu de ravage qui aurait nécessité une intervention supplémentaire." Pour autant, Illia refuse le label bio : "Pour nous ce serait plus une contrainte qu'autre chose et puis ça n'aurait pas vraiment de sens d'avoir la même étiquette qu'un bio industriel. On explique tout simplement aux gens la manière dont on travaille. Et la plupart sont très réceptifs."
"Les gens sont de plus en plus attentifs aux conditions de culture, aux questions de transport, de développement local. (...) Si bien qu'aujourd'hui, la demande est supérieure à notre capacité de production."
On ne compte plus qu'une poignée de fermes florales artisanales entre Landes et Pyrénées-Atlantiques. "La production industrielle et le commerce international ont tout détruit", rappelle Illia, qui souligne les effets pervers de ce modèle : "Contrairement aux légumes, il n'y a aucune contrainte sanitaire pour les fleurs. Tout ce qu'on leur demande, c'est d'être standardisées, esthétiques, avec une tige haute, sans défauts, pour que les fleuristes puissent les travailler facilement. Il n'y a donc pas de limite en matière d'utilisation de produits." Près de 80% des fleurs coupées vendues en France proviennent de l’étranger (Colombie, Kenya, Ethiopie, Israël, Equateur…) et dans neuf cas sur dix, elles transitent par les Pays-Bas, plaque tournante du business mondial de l’horticulture. Un business aux conséquences sociales et environnementales désastreuses.
Au rythme des fleurs
C'est pourquoi la jeune femme veut croire à la pertinence d'une production locale et artisanale : "Les gens sont de plus en plus attentifs aux conditions de culture, aux questions de transport, de développement local. Les fleuristes doivent répondre à cette nouvelle demande, certains s'engagent aussi par conviction, si bien qu'aujourd'hui, la demande est supérieure à notre capacité de production." Comme d'autres fermes florales portant cette exigence, la Ferme de la Floreta fait partie du collectif de la Fleur française. "Il y a une vraie dynamique autour de cette activité", apprécie Illia.
La Floreta fournit deux fleuristes de la région et compte déjà une dizaine de mariages sur le planning de l'année à venir. Outre le marché de Saint-Sever, où ils sont présents tous les samedis, Illia et Maximilien envisagent de poser leur étal à Salies-de-Béarn le jeudi. Ils souhaitent également aménager un petit lieu d'accueil à la ferme pour ouvrir un créneau de vente directe dans la semaine. En attendant, il est possible de commander ses fleurs ou son bouquet sur leur site internet et de passer le chercher.
En ce début de printemps, vous y trouverez des pois de senteur, des renoncules, des anémones et les premières tulipes. "Les glaïeuls commencent à sortir", note Illia. "Sur la saison, nous cultivons une quarantaine de variétés ce qui nous permet de faire de jolies compositions et de proposer des choses variées tout au long de l'année. Mais on ne force pas les cycles, c'est nous qui nous mettons au rythme des fleurs..."
Publié le 31 mars 2023 dans Les Infos Agricoles par Sylvain Lapique. Tous droits réservés.