Traille : les nouveaux sentiers de la laine

Muriel Morot avec le prix de l'Innovation Agrolandes.

Traille : les nouveaux sentiers de la laine

Traille : les nouveaux sentiers de la laine

Lauréate du grand prix de l'innovation Agrolandes décerné le 18 juin 2023, Muriel Morot valorise la laine des brebis pyrénéennes en ouate pour le textile, l'ameublement, et bientôt en paillage pour les cultures et les espaces verts.

Pour Muriel Morot, l'aventure Traille a commencé à l'été 2019, lors d'une balade dans les Pyrénées avec sa famille. Au détour d'une conversation avec un berger, elle apprend qu'il jette la laine issue de la tonte de ses brebis, faute de débouchés. Revenue à Paris, où elle tient un restaurant avec son mari, la jeune femme tourne et retourne dans sa tête ce qui n'est encore qu'une vague idée : comment valoriser cette matière première pour créer de nouveaux débouchés ? "Pendant des siècles, les bergers ont valorisé leur laine aussi bien que leur lait, rappelle-t-elle. Puis un jour, la machine s'est enrayée. Le synthétique est arrivé et le marché du textile mondial s’est développé loin de nos frontières. La laine de brebis française est sortie du jeu, pas assez compétitive, jusqu'à devenir un fardeau. Dans le Sud-Ouest, chaque année, plus de 1000 tonnes de laine sont jetées."

Coût de la tonte

Avec l'aide du Centre Européen du Textile Innovant (CETI), Muriel Morot met alors au point une ouate de laine, destinée à remplacer la ouate de polyester utilisée notamment dans les manteaux. "J'ai basculé à temps plein sur ce projet fin 2020 et après une année de déploiement, j'ai réussi à valoriser dix tonnes de laine", retrace-t-elle. Le nom de sa société est tout trouvé : Traille, comme le terme pyrénéen désignant les sentiers que dessinent les troupeaux dans la montagne en montant aux estives, et qui est aussi le nom de jeune fille de sa mère. "Mon arrière-grand-père était berger et traversait les Landes depuis la vallée du Barétous pour faire paître ses brebis dans le Médoc. Sans doute la généalogie m'a-t-elle rattrapée…", sourit-elle.

"Pendant des siècles, les bergers ont valorisé leur laine aussi bien que leur lait"

Désormais basée à Anglet, au sein de la technopôle Arkinova, Muriel Morot récolte la laine des brebis pyrénéennes avec l'aide de la coopérative Amatik, qui regroupe des éleveurs de race Lacaune du Pays Basque et du Béarn : "J'achète la laine 80 centimes le kilo sachant qu'une Lacaune fournit entre 800 grammes et 1 kilo de laine par an. C'est plus facile pour les Manex et les Basco-Béarnaises, qui donnent environ deux kilos de laine. L'objectif est de pouvoir compenser le coût de la tonte et de créer un système vertueux pour tout le monde."

La laine est ensuite lavée puis peignée pour enlever les petits végétaux et les fibres les plus courtes, et enfin transformée dans deux ateliers, l'un à Limoges et l'autre dans le Nord de l'Espagne. "J'ai l'espoir de créer un jour une unité de production pour transformer la laine chez nous", projette Muriel. 

Paillage agricole

Transformée en ouate, la laine de Traille est utilisée dans la confection de vêtements (Jacod) ou de mobilier (Sokoa), toujours localement, grâce à ses propriétés naturelles très intéressantes : isolante, thermorégulante, absorbante, résistante et élastique et surtout, 100% biodégradable. 

A présent, Muriel Morot se donne une année pour développer une autre matière, toujours issue de la laine de brebis : "Un paillage de laine qui pourrait remplacer les paillages naturels en jute, coco ou chanvre et surtout les paillages issus de la pétrochimie comme les toiles tissées ou les bâches plastiques." Des tests en laboratoire et sur cultures sont sur le point d'être lancés pour identifier le potentiel et les usages de cette matière, que ce soit en maraîchage, horticulture ou espaces verts, avec une promesse de retour au sol des nutriments. Muriel Morot cherche d'ailleurs des agriculteurs intéressés pour tester son produit sur leurs cultures et vérifier à nouveau la fameuse loi de Lavoisier : Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme…" 

Site internet : www.traille.co

Contact mail pour participer aux tests : paillage@traille.co

 

Publié le 23 juin 2023 dans Les Infos Agricoles par Sylvain Lapique. Tous droits réservés.