S'il existait un terme pour définir l'activité de Tania Frangi, ce pourrait être "éducatrice paysanne". Elle a commencé par exercer le premier métier dans différents instituts et structures des Landes et des Pyrénées-Atlantiques, auprès de différents publics. "Mais entre deux contrats, je cherchais toujours à prêter main-forte aux paysans, sourit-elle. Même quand j'étais jeune et que je cherchais un petit boulot, c'était toujours dans l'agriculture." A force d'être dans les champs et de réfléchir à la manière d'exercer son métier d'éducatrice, l'évidence lui a sauté aux yeux. "Donc je suis retourné à l'école pour devenir agriculturice, poursuit Tania. Un vrai défi quand on n'a pas de terrain, qu'on n'est pas issu du milieu agricole, qu'on n'est pas du coin et qu'on a déjà 40 ans passés !"
Son BPREA en poche, elle s'installe d'abord en 2016 sur un terrain à Mimbaste, où elle teste son activité, puis monte une EARL "pour connaître le métier de l'intérieur, notamment toutes les joies administratives…" Elle découvre, à cette occasion, la solidarité du monde paysan : "Quand ils ont su ce que je voulais faire, tous les voisins sont venus m'aider sans rien me demander en échange, ça existe encore !"
Dynamique positive
Pendant le confinement, Tania saisit l'opportunité d'acheter un terrain du côté de Caupenne, dans le quartier Saint-Laurent. Une curieuse bâtisse en forme de tour, que l'on nomme château de Sinton, construite autour de 1900 et entourée d'un hectare de terre et un autre de bois. L'endroit idéal pour concrétiser son projet : "Cette maison était un lieu de rassemblement pour les gens du quartier. Quand j'ai invité les voisins, des anciens m'ont raconté qu'ils venaient ici pour l'ayudère quand ils étaient petits. Il y avait déjà cet héritage de cohésion sociale." Dans le même temps, Tania passe une convention avec la Direccte, devenue depuis la Dreets (Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités), pour accueillir ses premiers salariés en insertion professionnelle. "La convention suppose que je les accueille, que je leur fournisse un travail, un salaire et un accompagnement social, détaille Tania Frangi. Le but est qu'ils restent le moins longtemps possible, le temps de construire leur projet professionnel. Ce doit être une transition pour se remettre le pied à l'étrier et retrouver une dynamique positive."
"La valeur travail, ils l'ont, c'est juste qu'il n'avaient pas l'opportunité de la mettre en valeur jusqu'à présent"
Elle accueille ainsi 9 salariés pour 6 postes équivalent temps plein, auxquels elle consacre à chacun une heure par semaine pour construire leur projet de retour à l'emploi. "Mais l'avantage du maraîchage, c'est que nous pouvons échanger de manière informelle sur leurs envies et leurs difficultés tout au long de la journée", ajoute-t-elle. Il s'agit de personnes au RSA, au chômage depuis plus de deux ans, des travailleurs handicapés ou encore des gens qui cumulent différents critères comme le fait d'habiter en Zone de revitalisation rurale, d'avoir moins de 26 ans ou plus de 50 ans, d'être un parent isolé, avec peu de diplôme, des problèmes de mobilité... "Dans nos campagnes, cela concerne au final énormément de monde", rappelle Tania.
Un jardin monastère en création
Sous les serres, l'association cultive des plants et des légumes de saison qu'elle vend pour partie au marché de Hinx le samedi, auprès des cantines du RPI et aux particuliers en vente directe le mercredi. Une autre partie est transformée au sein de la Cuma Bocoloco de Téthieu. En cette période de l'année, la vente de plants se fait tous les jours sur place. Tout est cultivé en biologique et à la main, sans mécanisation, avec du matériel de récup et surtout, beaucoup d'envie : "Tout le monde se donne à fond, apprécie Tania. L'an dernier pendant la canicule, il n'y a eu aucune défection. La valeur travail, ils l'ont, c'est juste qu'il n'avaient pas l'opportunité de la mettre en valeur jusqu'à présent. Et puis socialement, c'est très valorisant de pouvoir dire qu'ils font du maraîchage bio."
Parmi les projets de Tania et de son équipe : la création d'un jardin monastère dans l'ancien potager du domaine. Un projet piloté par l'une des salariés, titulaire d'un CAP horticole et paysagiste, qui servira aussi de vitrine pour l'association. Tania entend aussi développer l'offre de prestations pour les agriculteurs qui cherchent de la main d'oeuvre pour des travaux de récolte ou de désherbage. Ou encore créer une pépinière fruitière collective avec d'autres maraîchers des Landes, dans le but de développer un verger de fruits bios. Ce ne sont pas les idées qui manquent !
Association l'ID, route de Sinton à Caupenne
Ouvert le mercredi (vente directe légumes), du lundi au vendredi pour l'achat de plants.
www.associationlid.fr - 0625640703
Publié le 14 avril 2023 dans Les Infos Agricoles par Sylvain Lapique. Tous droits réservés.