Jérémy Maréchal : le maraîchage en pente douce

Jérémy dispose du statut original de salarié d'une coopérative.

Jérémy Maréchal : le maraîchage en pente douce

Jérémy Maréchal : le maraîchage en pente douce

Il y a tout juste un an, Jérémy Maréchal s'est installé comme maraîcher en Agriculture biologique du côté de Poyartin, avec un statut de salarié auprès de la coopérative Co-Actions.

"Je ne suis pas encore maraîcher, on en reparlera dans 5 ans…", tranche d'emblée Jérémy Maréchal. Un an après ses premières plantations, sa déférence à l'égard du métier est plus vive encore qu'au premier jour : "Tout est travail, résume-t-il. C'est le truc le plus dur que j'aie fait de ma vie et pourtant, je ne fais qu'appliquer ce qu'on me dit." "On", c'est Martin et Amélie, du Gaec de Peyrard à Onard. "Il y a un an, à la Fête bio, je leur ai demandé s'ils ne voulaient pas m'apprendre le métier. Va savoir pourquoi, ils ont dit oui." 

Depuis, Jérémy travaille un jour par semaine sur leur ferme, achète avec eux ses plants, ses semences, son amendement et surtout, applique à la lettre leurs conseils et leur calendrier. "A l'échelle 1/10, précise-t-il. Toutes les semaines, tu plantes deux à trois nouveaux légumes avec, à chaque fois, l'angoisse de savoir si les conditions vont être bonnes et si ça va marcher. Et tu dois savoir six mois à l'avance ce qu'il y aura dans ta rotation, démarrer tes semis, préparer ton sol... En terme de charge mentale, c'est énorme."

"Plus riche"

Sa vie d'avant n'était pas non plus de tout repos : à son compte depuis plus de 15 ans, il façonne des constructions et des aménagements de lieux en bois et en matériaux réemployés, au sein de son agence Katalpa. "Aller à Bordeaux toutes les semaines c'est sympa mais la rocade est toujours bouchée et dans le contexte actuel, avec ce qu'il se passe partout aujourd'hui, ça n'avait plus de sens… Moi, je voulais être plus riche de ce qu'il y a à côté de chez moi, créer des choses ici, rencontrer des gens au marché ou sur la ferme, être proche de mes enfants. Et puis, le maraîchage était là depuis toujours, quelque part en moi."

Alors il y a 6 ans, il a ressorti du tiroir le Bac Pro Agricole qu'il avait passé dans son adolescence et racheté le champ mitoyen de l'ancienne métairie qu'il habite depuis 16 ans après l'avoir rénovée de ses mains. Un champ en pente douce, orienté plein Sud, où il a laissé faire la nature. Celle-ci, de toute évidence, préfère les saules, chênes, châtaigniers et acacias, au maïs. Il faut traverser ce joli bosquet parcouru de sentiers, qu'il agrémente chaque année de nouveaux arbres fruitiers, pour accéder au jardin proprement dit. Sur la partie supérieure du champ, 2500 m2 de patates douces, choux, courges, navets, radis noir, courgettes, poireaux, haricots, tomates, carottes, betteraves, oignons ou échalottes, profitent d'une terre argilo-limoneuse, de l'irrrigation au goutte-à-goutte, d'engrais vert et d'une vue panoramique sur les Pyrénées. "L'ambition, c'est d'être efficace et d'avoir une production diversifiée de légumes qu'on mange tous les jours, pas de faire de la carotte au goût de noisette", résume-t-il.

Agriculteur salarié

En contrebas, deux serres tunnels complètent l'installation et lui permettent de se présenter chaque mercredi au marché de Montfort-en-Chalosse. "Le premier mois j'ai vendu 50 euros de légumes, puis c'est monté en puissance à mesure que les gens adhéraient au projet. Sur 2023, je vais faire 15 000 euros de chiffre d'affaires. C'est inespéré pour une première année." Inespéré mais pas suffisant : "Je peux me permettre de faire ça parce que j'ai 46 ans, que j'ai payé ma maison et que mes enfants sont grands. J'ai financé tous les investissements avec mon autre activité. Mais le type de 25 ans qui se lance dans le maraîchage et qui habite dans un mobil-home avec sa femme enceinte le temps de rénover la ferme, il a deux ans d'espérance de vie. Après, sa femme se barre, le mobil-home prend l'eau et il se rappelle même plus comment il a claqué la DJA…" 

"En tant que salarié, j'ai cette sécurité qui me permet de changer d'avis et de me reconvertir."

Hors des circuits traditionnels d'installation, Jérémy a opté pour le système de la coopérative. Il dispose d'un contrat CAPE au sein de Co-Actions, qui le décharge de tout l'aspect administratif et lui offre un statut de salarié (lire en Page 6). "Il faut que les agriculteurs comprennent ce que ça veut dire : ils pensent être plus libres en étant chefs d'exploitation mais c'est tout le contraire. En tant que salarié, j'ai cette sécurité qui me permet de changer d'avis et de me reconvertir. Le maraîchage, c'est dur, tu as le droit de le faire quelques années puis d'arrêter pour faire autre chose. Alors qu'un chef d'exploitation, même s'il a été très bon toute sa carrière, au moment où il arrête il n'a plus rien. Les coopératives sont en train de porter notre voix pour faire reconnaître notre statut et nous rendre éligibles aux mêmes aides que les autres. Les lois évoluent, ça va révolutionner le métier."  

En attendant, Jérémy fait la révolution sur son petit bout de terre. Tout en haut de la pente, il a installé une tente en toile de coton sur une plateforme en bois, avec un lit double, des toilettes sèches et une douche. "J'y dors le plus souvent possible, dit-il. Je voudrais que d'autres personnes puissent visiter la ferme et en profiter. J'ai aussi rénové une ancienne maison dans le bourg de Montfort où je veux accueillir des visiteurs pour leur faire découvrir la vraie Chalosse, celle dont je suis tombé amoureux il y a 20 ans. Bien sûr, ils mangeront aussi mes légumes. Tout cela s'inscrit dans un projet global." Vivement dans 5 ans, qu'on en reparle !   

"Habiter la pente", chemin de Pedemonte à Poyartin, tous les mercredis au marché de Montfort-en-Chalosse. 06 03 11 42 98

 

Publié le 29 septembre 2023 dans Les Infos Agricoles par Sylvain Lapique. Tous droits réservés.