Ferme du Haza, la liberté à tout prix

Marion et Benoît Justes, nouvelle génération à la ferme du Haza.

Ferme du Haza, la liberté à tout prix

Ferme du Haza, la liberté à tout prix

Depuis plus d'un siècle, la Ferme du Haza à Saint-Aubin se réinvente pour préserver son savoir-faire et son indépendance.

"Si nous voulons que tout reste pareil, il faut que tout change." La fameuse réplique d'Alain Delon dans ''Le Guépard'' aurait pu sortir de la bouche de Benoît Justes. Si le colosse chalossais a plus la carrure de Bud Spencer, l'héritage familial qu'il porte vaut bien celui de Tancrède Falconeri dans le film de Visconti : c'est en 1914 que son grand-père Gaston, alors en couche-culotte, a atterri dans cette ferme posée sur une ondulation de Chalosse, avec vue sur l'église de Larbey et son clocher en forme de chapeau de sorcière. Il y a vécu comme métayer, fermier et enfin, après une vie de labeur aux côtés de son épouse Marthe, comme propriétaire. 

C'était à la fin des années 60 et Bernard et Danièle ont alors pris le relais, poursuivant le combat pour l'indépendance : "Dès 1980, ils ont été parmi les premiers à réaliser leurs conserves à la ferme", rappelle Benoît, qui s'est installé à son tour en 1999. "On n'a jamais voulu prendre le tournant de l'industrialisation, poursuit-il. Pour préserver notre savoir-faire, notre indépendance, fixer nos prix et surtout, pour rester maîtres chez nous, ce qui n'est plus le cas pour beaucoup." Alors pour que rien ne change, il a fallu tout changer : une nouvelle conserverie, une nouvelle salle de gavage et à la place de l'ancienne, des cuisines et une ferme-auberge dans les années 90. Bernard se souvient encore des bus qui déversaient des touristes midi et soir dans la petite cour du Haza. "Aujourd'hui c'est différent, il faut aller vers le client", estime-t-il.

"Maîtriser ce qu'on fait"

Dès 2008, Benoît a pris le train des marchés de producteurs et intégré un solide réseau de salons fermiers, de la Charente à la Champagne, en passant par le Beaujolais, où il se rend chaque automne avec sa compagne Marion. Présente à ses côtés depuis près de dix ans, elle se consacre entièrement à la ferme depuis 2021. "Je travaillais chez Lur Berri comme contrôleuse qualité, raconte-t-elle. Et puis à la troisième grippe aviaire, j'ai craqué : toute la journée, je disais aux éleveurs de claustrer leurs canards et quand je revenais ici, je tenais le discours inverse. Ce n'était plus tenable."

La grippe aviaire, la ferme du Haza l'a subie "comme tout le monde", rappelle Benoît qui énumère les dépeuplements, la modification des parcours, les trois bâtiments "qui n'ont pas empêché le virus de rentrer chaque année", les mises en demeure, les entreprises de nettoyage qui restent 25 minutes, les stocks qui fondent, les commandes qu'il faut annuler et maintenant, le vaccin : "Je ne vais pas laisser entrer des types qui auront vacciné dix autres fermes dans la journée, prévient-il. Le vaccin, c'est bon pour ceux qui veulent faire du volume."

Street-food et autonomie

Au Haza, on tourne à 4000 canards par an, avec des lots de 400 maximum. Comme avant. "L'idée n'est pas de faire plus mais de maîtriser ce qu'on fait", insiste Benoît. Avec 40 hectares de maïs, 20 hectares de soja et quelques parcelles de blé, la ferme est autonome en alimentation et transforme toute sa production, avec l'aide précieuse de Danièle. Et dans ce domaine, la famille ne manque pas d'idées : "Si on avait continué à ne faire que du tournedos et des côtelettes, on se serait plantés, estime Benoît. Il faut toujours se réinventer." Marion poursuit : "Un jour, je l'ai emmené manger dans un kebab à Dax. C'était la première fois qu'il y allait et il n'a pas lâché un mot du repas. Et puis dans la voiture, il m'a dit : "J'ai une idée !" Ainsi est né, avec l'aide du boulanger de Saint-Aubin Thierry Lagraulet, le kebacanard, devenu un grand classique des fêtes de Dax. 

Depuis, Marion et Benoît ont creusé le sillon de la "street-food" : le Chalosse Tacos, les galettes au sarrasin, bientôt sans doute une version chalossaise du bokit, le célèbre sandwich au pain frit de la Guadeloupe, que le couple a découvert lors d'un voyage l'an dernier. "On veut relancer la ferme-auberge en ouvrant un soir par semaine avec une offre plus légère et des animations, s'enthousiasme Marion, tout en gardant les classiques pour les week-ends." Un avis sur ce virage culinaire, Bernard ? "Je laisse faire, sourit-il. Mais ça ne m'inquiète pas : on a toujours su évoluer dans le bon sens..." Pour que l'essentiel puisse demeurer.

www.ferme-du-haza.fr

 

Publié le 15 septembre 2023 dans Les Infos Agricoles par Sylvain Lapique. Tous droits réservés.